Être Parent, c’est avoir 4 casquettes

Auteur : J.L. Mermet

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Le rôle de père consiste en quatre fonctions principales, généralement exercées par la même personne. Il en est de même pour le rôle de mère.

La première de ces fonctions est celle d’avoir transmis la vie. Nous l’appellerons la fonction « géniteur » ou « génitrice ».

La deuxième fonction est la fonction « papa » ou « maman » : lorsque nous faisons des câlins à notre enfant, que nous l’accueillons tel qu’il est avec ses ressentis, ses doutes et ses certitudes, que nous discutons et rions avec lui, que nous lui offrons une glace… 

Un premier aspect de cette fonction papa ou maman, est de répondre au besoin fondamental (1) qu’a l’enfant, pour construire son identité, d’être reconnu dans ce qu’il pense et ressent ; le regard de l’adulte référent, en l’accueillant sans jugement, lui permet d’accorder de la fiabilité à son point de vue, à son ressenti, à sa capacité de réaliser des choses, de prendre conscience de ses désirs : il apprend à savoir qui il est vraiment, avec tout ce qui le caractérise. Il prend également conscience que ce qu’il dit, ou fait, peut provoquer chez l’autre du rire, de la joie, du bonheur. Ce qu’il donne a donc de la valeur. Plus tard, il aura confiance en ce qu’il peut apporter à son entourage et se sentira ainsi avoir toute sa place vis-à-vis d’autrui. 

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Un autre aspect de la fonction papa ou maman, moins important (2) que le précédent, concerne le domaine des sentiments. Le don gratuit de tendresse vers l’enfant va l’aider à se voir comme aimable, au sens propre du terme. Il réalise aussi que la tendresse qu’il donne est bonne à recevoir pour l’autre. Expériences essentielles pour pouvoir accueillir plus tard l’amour dont il sera l’objet pour une future compagne, ou simplement l’estime ou l’amitié de son entourage professionnel, et pour avoir confiance dans le bon qu’il sera capable de donner, par exemple dans une relation amoureuse.

La troisième fonction est la fonction « père » ou « mère »

C’est l’attitude de celui qui rappelle la règle et qui, si celle-ci est transgressée, applique la sanction. Rôle essentiel pour permettre à l’enfant de faire la distinction entre le désir et l’acte de réaliser le désir. Là où le papa, ou la maman, peut entendre et reconnaître (ce qui ne veut pas dire combler) le désir de l’enfant de jeter par terre les papiers qui l’encombrent, le père ou la mère lui rappelle que cela est interdit.

Cette fonction est essentielle pour trois raisons :

– d’une part pour que l’enfant intègre la Loi à l’intérieur de son propre fonctionnement : plus tard, il n’y aura pas besoin que le père rappelle la loi pour que l’enfant ne jette pas ses papiers par terre. L’émergence des situations d’incivilités prend racine, pour une part, dans la défaillance de ce processus dans l’éducation de nombre d’enfants.

– d’autre part, parce que l’interdit est rassurant pour l’enfant ; en effet certains de ses propres désirs lui font peur (celui d’étrangler sa petite sœur, par exemple…) et la distance posée par l’adulte entre le désir et l’acte, est vécu par l’enfant comme une vraie sécurité ; il sait que ses désirs dangereux ne pourront pas se réaliser. Cela explique l’angoisse fréquente chez les enfants élevés avec très peu de père et de mère, qui sont insécurisés face au possible qui leur est toujours laissé de réaliser leurs désirs.

– enfin, pour que l’enfant développe sa « résistance à la frustration » : il apprend que la réalisation d’un désir peut, soit être différée, soit ne pas arriver du tout… Et que cela est « normal ». Si cela n’a pas été intégré enfant, il risque d’être insupportable, adulte, d’accepter que certains désirs importants ne puissent se réaliser : par exemple le jour où l’élue de son cœur décide de quitter le jeune homme, il est possible que le caractère insupportable et a-normal pour lui de cette réalité le conduise à une réaction démesurée, parfois avec un passage à l’acte.

Les exigences posées dans le cadre de cette fonction de père ou de mère font toujours référence à une Loi : les règles de vie de la maison, les règles liées aux valeurs de l’adulte (respect d’autrui, honnêteté, etc.), ou la loi civile. 

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La quatrième fonction est la fonction « tyran ». 

C’est une perversion de la fonction père ou mère : l’adulte « profite » de sa position de pouvoir pour poser des exigences qui n’ont rien à voir avec l’exercice normal de son pouvoir de père ou de mère, lequel fait toujours référence à une Loi. 

Elle est le résultat de deux dynamiques inconscientes :

– soit une réaction à ce que l’enfant vient toucher chez l’adulte : la réactivation de la propre histoire de l’adulte, la difficulté ou les peurs devant lesquelles le met l’attitude de l’enfant ; c’est dans ce cas que nous appliquons parfois des punitions pour faire payer à l’enfant le prix « de ce qu’il nous a fait » (alors que la sanction, mise dans le cadre de la fonction père ou mère, est le prix de la transgression de la Loi).

– soit l’expression de la pathologie de l’adulte, qui se traduit par des comportements violents ou porteurs de confusion, verbalement, physiquement voire sexuellement ; il transmet ainsi à ses propres enfants, inconsciemment, la violence qu’il a lui-même vécue enfant et qu’il a « gardée », faute d’avoir effectué un travail thérapeutique adapté.

L’enfant dont la mère ne sait qu’être une « mère » ou un « tyran », risque de passer toute son enfance à essayer de faire surgir un peu de « maman » chez elle : faire tout ce qu’elle veut pour lui faire plaisir, guetter ses moindres tristesses pour les rassurer, ne pas dire ses propres ressentis qui pourraient lui déplaire… L’enfant s’épuise et se construit ainsi dans un processus où ses propres désirs et ses propres ressentis n’ont aucune importance, tout occupé qu’il est à capter ceux de sa mère. Adulte, il aura sans doute du mal à savoir qui il est vraiment, à identifier et nommer ce qu’il ressent, à avoir conscience même de ses propres désirs.

Les conséquences, pour l’ex-enfant qui a manqué de père, mère, papa ou maman, ne sont pas inéluctables ; il peut se libérer de ce passé douloureux, par exemple par un travail basé sur les démarches symboliques de restitution… Ce qui lui permettra de trouver vis-à-vis de ses propres enfants un positionnement juste, équilibré dans ses fonctions de père / mère et de papa / maman… et avec le moins possible de « tyran ».

1) Au sens où les a défini le psychologue Abraham Maslow (1916-1972) :  » Vers une psychologie de l’être « , Fayard, Paris, 1989, 266 p.

2) Etre aimé n’apparaît pas comme un besoin aussi fondamental que celui d’être reconnu.

Jean-Luc Mermet
Vice-président de l’Institut ESPERE International (Approche de Jacques Salomé), Directeur de Reliance, centre de formation en relations humaines, à Grenoble. 

Source : http://www.nonviolence-actualite.org/index.php/fr/fiches-pedagogiques/communication/53-etre-parent-cest-avoir-4-casquettes
© Non-Violence Actualité
Extrait du n° 277 de la revue Non-violence Actualité

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Article publié le 13/12/2015

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